Elle pèse 1,845 kg. Pour la première fois en France, un bébé est né à la suite d'une greffe d'utérus dont avait bénéficié sa mère, a annoncé mercredi 17 février l'hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine). Franceinfo revient sur cet événement, résultat de plus de douze ans de recherche, qui constitue un espoir pour les patientes nées sans utérus ou les femmes auxquelles il a dû être enlevé.
La maman a reçu l'utérus de sa mère
La femme au cœur de cette première française s'appelle Déborah. Elle a 36 ans. Née sans utérus, elle est atteinte du syndrome de Rokitansky (MRKH), qui touche une femme sur 4 500 à la naissance. C'est en mars 2019 qu'elle a bénéficié de la première greffe d'utérus française. La donneuse vivante est sa mère, qui était alors âgée de 57 ans.
L'opération avait été réalisée par l'équipe du professeur Jean-Marc Ayoubi, chef de service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction de l'hôpital Foch. La durée opératoire a été de l'ordre de 14 heures pour les deux interventions. Le prélèvement a été la phase la plus longue puisqu'il doit être particulièrement méticuleux pour que l'utérus soit réimplantable. Le robot, offrant une meilleure vision, en 3D, avait facilité la dissection de vaisseaux très fins. La greffe, elle, avait eu lieu par chirurgie classique.
"Bien que ce soit l'utérus d'une femme ménopausée, à partir du moment où l'utérus est replacé chez la receveuse qui est en pleine activité génitale, qui a un cycle hormonal normal, il va redevenir fonctionnel", avait expliqué Jean-Marc Ayoubi à France Télévisions.
La grossesse a duré sept mois et demi
Une fois la greffe effectuée, "on attend toujours un an pour être sûr que l'utérus greffé ne soit pas rejeté", a expliqué Jean-Marc Ayoubi. Mais l'équipe médicale a été retardée par le premier confinement et l'arrêt de toutes les activités d'assistance médicale à la procréation (AMP/PMA).
Finalement, "le premier transfert [d'embryons] a eu lieu en juillet dernier et la patiente a été enceinte après ce premier transfert". La naissance s'est déroulée dans de très bonnes conditions et sans complications notables, selon l'hôpital Foch. Elle est intervenue après 33 semaines de grossesse (7 mois et demi).
La greffe est "provisoire"
Pour que son organisme tolère la greffe, Déborah bénéficie d'un traitement antirejet. Il est moins lourd que pour d'autres transplantations d'organes et est adapté à la grossesse, comme c'est le cas des greffées du rein enceintes.
En raison de ce traitement immunosuppresseur, la greffe n'est que "provisoire" pour avoir un enfant, a précisé Jean-Marc Ayoubi. Toutefois, pour celles qui le souhaitent, il est possible de mener à terme une deuxième grossesse. C'est le cas de Déborah. Mais pour cela "on attendra un an", a indiqué le professeur. Plusieurs femmes greffées, en Suède, ont eu deux enfants, a-t-il souligné.
Les greffes d'utérus vont se poursuivre
L'équipe du professeur Ayoubi avait reçu l'autorisation de l'Agence de la biomédecine et de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour conduire un essai clinique pour 10 greffes avec des donneuses vivantes apparentées. D'autres greffes d'utérus sont prévues à l'hôpital Foch pour des femmes nées sans utérus.
En France, outre l'équipe de l'hôpital Foch, deux équipes travaillent sur ce type de greffe : l'une se trouve au CHU de Limoges, l'autre à Rennes.Une vingtaine de naissances dans le monde
Ce type de greffe avait déjà permis des naissances dans d'autres pays. "Il y a eu autour de 20 naissances dans le monde" après greffe utérine, selon le professseur Ayoubi, également professeur de médecine à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ).
La première naissance au monde de ce type a eu lieu en Suède, en 2014. Survenue un an après la transplantation, elle avait été annoncée dans la prestigieuse revue médicale The Lancet par l'équipe du professeur Mats Brännström de l'université de Göteborg. La donneuse vivante avait alors 61 ans.
Les Brésiliens ont réussi à obtenir la première naissance au monde grâce à une greffe d'utérus de donneuse décédée chez une femme également née sans utérus en raison du même syndrome que la patiente française. La naissance, datant du 15 décembre 2017, avait été révélée un an après par l'équipe du Dr Dani Ejzenberg, de l'hôpital de Sao Paulo.
Un espoir pour les femmes nées sans utérus ou celles auxquelles il a dû être enlevé
Il est difficile d'estimer de façon précise le nombre de femmes qui pourraient faire appel à une greffe d'utérus pour avoir un enfant. A celles qui naissent sans cet organe s'ajoutent les femmes à qui l'utérus a été prélevé (hystérectomie) en raison d'un cancer. Il faut également considérer celles qui ont été contraintes de subir une ablation de l'utérus après un accouchement. "Finalement, on ne sait pas le nombre exact, mais ce sont autour de 100 000 femmes en âge de procréer", a indiqué Jean-Marc Ayoubi à Libération, en 2020.
Pour ces femmes, relevait le quotidien, il n'existe pas d'alternatives, "à moins de choisir l'adoption ou une gestation pour autrui (GPA), mais à l'étranger car cette pratique est interdite en France".