Greffe de l'utérus : en quoi consiste l'opération ?

La première greffe d’utérus a eu lieu en mars 2019 en France. Cette opération délicate et complexe s'est effectuée entre une mère, qui a donné son utérus, et sa fille. Cette dernière a pu par la suite donner naissance à une petite fille, en 2021 . Le Dr Marc Even, chirurgien gynécologue à Pointgyn et à l’hôpital Foch à Paris, nous explique les circonstances de cette opération.

Source : Parents

Réalisée une seule fois en France, la greffe de l’utérus est une opération chirurgicale complexe, qui reste de l’ordre de l’exceptionnel en France et dans le monde. De quelle pathologie souffrait la patiente greffée ? Comment s’est déroulée l’opération ? Les précisions du Dr Marc Even, chirurgien gynécologue.

La greffe de l'utérus : qu'est-ce que c'est ?

La greffe de l'utérus est une opération complexe réalisée entre deux femmes, l'une donneuse de l'organe et l'autre le recevant. La personne qui donne son utérus devra de préférence avoir eu des enfants, être proche de la ménopause ou ménopausée et être proche de la receveuse. Comme pour toutes les greffes d'organes, il s'agit ici d'un don entre deux personnes, compatibles sur le plan immunologique. La greffe d'utérus est une intervention chirurgicale exceptionnelle, qui a été réalisée dans quelques pays au monde seulement. Cette chirurgie est destinée à permettre aux femmes nées sans utérus, ou ayant subi une ablation de l'utérus, à mettre un enfant au monde.

La greffe de l’utérus, une première sur une jeune femme à l'hôpital Foch en France

Loin d’être un acte routinier donc, la greffe de l’utérus est au contraire assez rare. Il n’y en a eu qu’une seule en France, en mars 2019, menée par le Pr Jean-Marc Ayoubi, chef de service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction de l'hôpital Foch. Elle a été réalisée entre une patiente de 34 ans, Déborah, atteinte du syndrome Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH), aussi nommé syndrome de Rokitansky, et sa mère, âgée de 57 ans, ménopausée et en bonne santé. Née sans utérus, ce qui est une conséquence du syndrome de Rokitansky, qui touche environ une femme sur 4500, Déborah a donc reçu l'utérus de sa mère. Elle est la première, et seule femme à ce jour, greffée de l'utérus en France.

Greffe de l'utérus et grossesse : naissance d'un bébé en France

L'objectif de cette opération étant d'aboutir à une grossesse, ce fut donc pour Déborah une réussite totale. Un peu moins de deux ans après la greffe, elle a pu donner naissance à une petite fille, en février 2021, née à 33 semaines de grossesse. « Dans le syndrome de Rokitansky, la femme a les ovaires qui fonctionnent. On a pu prélever les embryons de Deborah, avant la greffe, puis les congeler en vue d’une fécondation in vitro. En effet, en raison d'une absence d'utérus, une grossesse spontanée n’était pas possible. C’est par ce biais que la patiente a pu tomber enceinte, poursuivre sa grossesse et finalement donner naissance à sa fille », conclut le chirurgien gynécologue.

« Le syndrome de Rokitansky est une maladie génétique qui provoque une malformation congénitale. Les femmes qui naissent avec ce syndrome n’ont pas d’utérus. Elles sont d'ailleurs pour le moment les seules femmes éligibles à ce type de greffe », explique le Dr Even. « Il ne faut pas donner de faux espoirs aux femmes sans enfants qui ont eu une hystérectomie et qui croiront qu’elles pourront être greffées, ce n’est pas le cas, la greffe utérine n'est pas du tout banalisée pour le moment. »

Si un jour cet acte chirurgical devient plus courant qu'il ne l'est aujourd'hui, on pourra imaginer que des femmes ayant eu un cancer de l'utérus jeune, ou une hystérectomie suite à une hémorragie, par exemple, pourront à l'avenir en bénéficier, mais ce n'est actuellement pas le cas.

D'ailleurs, depuis cette intervention, le service de Gynécologie-obstétrique et de Médecine de la reproduction de l'hôpital Foch a mis en place un essai thérapeutique, avec un protocole de recherche sur 10 patientes. L'hôpital espère pouvoir renouveler l'opération. L’objectif est de voir si la greffe pourrait devenir un acte plus courant qu’il ne l’est aujourd’hui, afin d'élargir le cercle des potentielles bénéficiaires, telles que les femmes nées sans utérus.

Quelles conditions pour être greffée ?

Dans le cadre de cette première greffe, la patiente a été soigneusement sélectionnée. Plusieurs facteurs étaient essentiels, comme notamment :

  • Avoir un projet de grossesse, c'est l'un des éléments les plus importants
  • Le fait de ne pas fumer
  • Ne pas avoir d'anomalie de l'hémostase (phénomènes physiologiques qui concourent à la coagulation du sang).

Greffe de l'utérus : comment faire cette chirurgie lourde et complexe ?

Elle nécessite un don d'utérus d'une personne compatible

La greffe d’utérus est une chirurgie lourde. Elle implique d’avoir une donneuse vivante pour le prélèvement l’utérus mais aussi une compatibilité entre les deux personnes.

Dans le cas de Déborah, le prélèvement de l'utérus s'est fait chez la mère, qui a été opérée pendant plusieurs heures par chirurgie sous robot assistée, afin de préserver les nerfs, les vaisseaux et la paroi de l’organe. Puis Déborah a été opérée à son tour, également par laparotomie, afin d’installer l’utérus dans sa cavité abdominale et faire la connexion avec son organisme, par anastomose des vaisseaux. C'est une chirurgie délicate car il faut connecter tous les vaisseaux entre eux ainsi que le corps et le col de l'utérus avec le vagin de la patiente. En tout, les deux opérations cumulées durent entre 10 et 20 heures.

Par la suite, la patiente a dû rester hospitalisée plusieurs jours et poursuivre sa convalescence à domicile pendant deux mois environ, le temps de se remettre de son opération, tout comme sa mère. Déborah a entamé par ailleurs un traitement immunosuppresseur afin d’éviter le rejet du greffon par son organisme, comme après toute greffe.

Quel est le prix d'une greffe de l'utérus ?

Dans le cas de la seule opération réalisée en France, comme les greffes de l'utérus ne se font pour l'instant que dans le cadre d'un protocole de recherche, la patiente n'a rien eu à financer. En revanche, ce protocole est financé par des fonds privés récoltés par la Fondation Foch, et non par la Sécurité sociale.

Peut-on prélever l'utérus d'une personne décédée en vue d'une greffe ?

La question de l'utilisation d'utérus provenant de femmes décédées s'est rapidement posée après la réussite de la première greffe en Suède. Au Brésil, l'opération a été réalisée en 2016 et la receveuse a même pu donner naissance à un enfant l'année d'après. Il s'agissait de la première naissance au monde d'une femme greffée.

Au CHU de Limoges, en France, une étude avait été lancée en 2015 puis en 2019 pour tenter de développer ce type de greffe. Mais le protocole d'étude, qui avait commencé à recruter des patientes, est actuellement à l'arrêt. A Rouen, le CHU a obtenu en 2021 l'autorisation de réaliser 16 greffes d'utérus. Dans le cadre de donneuses décédées, les conditions requises pour la greffe d'utérus d'une donneuse vivante (ayant eu des enfants, ménopausée et proche de la donneuse) ne seront pas retenues. Au total, toutes confondues, on recense 80 greffes d'utérus à travers le monde, qui ont permis la naissance de 30 enfants par la suite.

Qui est l'homme pionnier de la greffe d'utérus en Suède ?

La greffe utérine est un peu plus développée en Suède, qui est le pays pionnier à l’avoir réalisée. « Cette intervention a déjà été réalisée dans plusieurs pays dans le monde comme en Inde, au Brésil, aux Etats-Unis notamment, avec plus ou moins de succès, mais les vrais spécialistes sont en Suède. Le Professeur Mats Brännström et son équipe de l'Université de Göteborg ont réalisé une vingtaine d’opérations environ. Il a été le premier pays à réussir à obtenir une grossesse après greffe d'utérus. Pour autant, la greffe de l’utérus n’est absolument pas un acte chirurgical effectué en routine », insiste le Dr Marc Even.

En France, pour avoir le feu vert des autorités, le Comité d’éthique a été consulté. Il a également fallu s’assurer du non-rejet de l’organe, donc de la compatibilité entre la donneuse et la receveuse, ainsi que la compatibilité de groupe sanguin. « L’opération est complexe et risquée… L’utérus n’est pas un organe vital, donc cela peut poser question, aussi. Autant d’éléments qu’il faut bien souligner, car ici, on n'est pas du tout dans le cadre de la greffe d’organe que le grand public connaît, comme pour le cœur ou le rein, par exemple », souligne le Dr Marc Even.

Le professeur Jean Marc Ayoubi est celui qui a permis la première transplantation utérine française.

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