Par Hélène Guinhut
Vendredi 12 février à l’hôpital Foch, une petite fille est née. Misha ne le sait pas encore, mais sa naissance a tout d’un miracle. Atteinte du syndrome Rokitansky (MRKH), qui touche une femme sur 4500, sa mère, Déborah, est née sans utérus. Mais grâce à l’équipe du professeur Jean-Marc Ayoubi, chef de service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction de l’Hôpital Foch, son rêve de maternité s’est concrétisé. En mars 2019, Déborah, alors âgée de 34 ans, a bénéficié d’une greffe d’utérus. Alors que la Suède avait déjà pratiqué plusieurs greffes de ce type, c’était une première dans l’Hexagone. Première qui a d’ailleurs été réalisée en collaboration avec Mats Brännström, professeur de gynécologie obstétrique à l'université de Göteborg et chef de service à l'hôpital universitaire Sahlgrenska. Cette prouesse chirurgicale n’étant pour l’instant autorisée qu’avec des donneuses vivantes, c’est la mère de Déborah, Brigitte, âgée de 57 ans, qui a fait don de son utérus à sa fille. Il a fallu attendre un peu plus d’un an pour qu’un embryon, conçu avec l’ovocyte de Déborah et le sperme du futur papa, soit implanté dans l’utérus greffé avec succès.
Un exploit synonyme d’espoir pour toutes les femmes sans utérus
Pendant plus de deux ans, le réalisateur Ibar Aibar a suivi la famille dans cette extraordinaire aventure. Ses images, diffusées ce dimanche dans Zone Interdite sur M6, montrent toutes les étapes de cette naissance, des discussions intimes entre la mère et la fille, jusqu’à l’émotion des jeunes parents, en passant par le protocole médical drastique indispensable à la réussite. « Le professeur Jean-Marc Ayoubi a toujours été serein, lui et ses équipes étaient toujours en contrôle. Ils étaient très calmes, hyper professionnels, très rassurants par rapport à Déborah », nous confie-t-il. Même le jour de la greffe, il n’a ressenti aucune nervosité de la part des équipes médicales. « Ce qu’ils font est répété des centaines de fois, ce sont des orfèvres. »
Après des mois de tournage, le jour de la naissance reste un souvenir poignant. « C’était un moment rare, la tension était à la hauteur de la grandeur de l’évènement. Le premier peau à peau avec la maman était assez émouvant », se rappelle-t-il. Ce mercredi, l’hôpital Foch a officiellement annoncé la naissance. « Une petite fille de 1 kg 845 grammes a vu le jour le vendredi 12 février après 33 semaines de grossesse et se porte bien ainsi que sa maman », a fait savoir l’hôpital dans un communiqué aux allures de faire-part. Après douze ans de recherches, l’équipe s’est réjoui de cette première, synonyme d’espoir pour toutes les femmes nées sans utérus, avec un utérus non-fonctionnel ou qui ont dû subir une hystérectomie.
Dans Zone Interdite, Ibar Aibar nous emmène dans les coulisses d’autres exploits médicaux. En plus de Déborah, il suit le parcours de Priscilla, 45 ans, amputée des deux mains et des pieds après une erreur médicale, qui bénéficie d’une greffe des deux mains. Il accompagne aussi Thibault, jeune homme tétraplégique de 28 ans qui apprend à se déplacer et à contrôler son corps par la pensée grâce à un exosquelette. « Au départ, j’étais plus attiré par la prouesse médicale, mais rapidement j’ai été subjugué par la force de caractère de ces trois personnes. Ils m’ont scotché par leur puissance, ils n’ont jamais baissé les bras. Priscilla et Déborah sont allées au bloc opératoire comme des sportives de haut niveau », observe Ibar. Comme lui, on se laisse emporter par la détermination de Déborah, Priscilla et Thibault pour qui la médecine est définitivement synonyme d’espoir.