C’était en mars 2019. L’équipe du Professeur Jean-Marc Ayoubi, Chef de service de Gynécologie-Obstétrique et Médecine de la Reproduction de l’Hôpital Foch annonçait le succès de la première greffe d’utérus réalisée en France. Déborah, la patiente greffée était atteinte du syndrome de Rokitansky (MRKH), responsable d’une infertilité par agénésie utérine (naissance sans utérus : 1 cas sur 4500 naissances). La greffe a été réalisée avec l’utérus d’une donneuse vivante qui est la mère de la receveuse, sachant que Déborah a mis au monde Misha, le 12 février 2021 après 33 semaines de grossesse, validant la prouesse. Plus d’un an après cette très bonne nouvelle, l’hôpital Foch vient de révéler qu’une deuxième greffe d’utérus a été réalisée avec succès dans cet établissement, comme l’a révélé Le Parisienen premier lieu. Le journal indique en effet que le 17 septembre, Sylvie (les prénoms ont été changés), 41 ans, a fait don de son utérus à sa cadette Nathalie, née il y a 36 ans sans cet organe indispensable. Une opération réalisée par la même équipe de médecins à l’origine de la première greffe.
La transplantation utérine a nécessité près de 18 heures, cette nouvelle patiente étant elle aussi atteinte du syndrome de Rokitansky. Selon son témoignage recueilli par le journal, c’est à l’âge de 17 ans qu’elle apprend que les examens pour comprendre pourquoi elle n’avait toujours pas ses règles ont montré une absence d’utérus. « J’étais toute jeune mais c’est comme si on m’avait annoncé la fin du monde. J’ai toujours été fascinée par la grossesse et ce jour-là, on m’a dit de faire une croix dessus. J’ai dû commencer mon deuil.» Il aura fallu 20 infirmières, médecins, anesthésistes pour mener cette greffe spectaculaire. L’utérus de la donneuse, Sylvie, dans la quarantaine et déjà maman de deux garçons, a été prélevé au terme d’une opération de 13 heures. Tout s’est déroulé comme prévu, les deux patientes se portent bien et sont rentrées à domicile 10 jours plus tard. « Cette deuxième greffe de l’utérus en France marque la continuité d’un projet de recherche entamé par le Pr Ayoubi il y a plus de 15 ans, et d’une collaboration internationale avec l’équipe du Pr Mats Branstrum de l’université de Göteborg (Suède). », explique ainsi l’hôpital Foch.
La CHU de Rennes en course pour réaliser cette innovation chirurgicale
La prochaine étape sera donc d’entamer une grossesse mais il faut auparavant attendre six mois, délai pendant lequel la patiente doit être suivie une fois par mois. Passée cette période, une fécondation in vitro devra être réalisée : selon Le Parisien les ovocytes de Nathalie ont déjà été ponctionnés en début d’année 2022 et mis en fécondation avec le sperme de son mari. été ponctionnés en début d’année 2022 et mis en fécondation avec le sperme de son mari. Les dix-sept meilleurs embryons formés ont été congelés, l’un d’eux sera transféré dans l’utérus greffé et dix jours après une prise de sang confirmera si la patiente est enceinte ou non. Si la fécondation a fonctionné, la grossesse suivra son cours avec une surveillance attentive. Au moment de l’accouchement, celui-ci devrait être réalisé par césarienne. En effet, l’utérus ne peut être gardé sur le long terme et devra être retiré par la suite pour éviter les rejets qui planent sur toute greffe. Ce sera également le cas pour la toute première patiente, Déborah, mais dans quelques mois. Car autre bonne nouvelle : voulant agrandir sa famille, elle attend son deuxième enfant grâce à l’implantation d’un second embryon dans son utérus greffé. Le terme officiel est le 1er avril.
Si seuls deux opérations de ce genre ont été réalisés en France actuellement, le pays pionner dans ce domaine n’est autre que la Suède, avec une première greffe réalisée en 2014 ayant conduit à une naissance, d’où le partenariat essentiel entre l’hôpital Foch et l’université de Göteborg. L’établissement français a bon espoir de pouvoir en réaliser plusieurs autres, ayant reçu une autorisation pour encore huit femmes. « Cette intervention médicale consolide l’espoir pour des patientes nées sans utérus ou présentant une infertilité utérine causée par une hystérectomie ou un utérus non fonctionnel. Elle a mobilisé plus d’une vingtaine de chercheurs et permet des avancées scientifiques significatives dans les domaines de la transplantation et de la reproduction. », conclut-il. Bientôt, il ne sera peut-être plus le seul hôpital où une telle prouesse pourra être réalisée car le CHU de Rennes a annoncé en octobre 2021 se préparer pour l’horizon 2023 à la mise en œuvre de transplantations utérines au bénéfice de femmes nées sans utérus et pour qui « cette solution est le seul moyen d’être à la fois la mère porteuse, génétique et légale de leur enfant.»
En juin dernier, ce projet qui porte le nom de « Tulipe » a franchi une nouvelle étape en obtenant de la part du ministère de la Santé un financement de 1,4 million d’euros couvrant la réalisation de 16 transplantations utérines. Plus précisément, ce projet porte sur la réalisation de 16 transplantations utérines afin de mieux comprendre les facteurs de réussite des grossesses chez les patientes receveuses. Parmi ces transplantations, 8 seront issues de donneuses vivantes et 8 de donneuses décédées. « Pour multiplier les chances d’avoir une donneuse compatible, pouvoir comparer les chances de succès entre les deux et diminuer la pression psychologique d’une éventuelle donneuse proche. », détaille au Parisien le Pr Vincent Lavoué, gynécologue pilote du projet. On dénombre aujourd’hui dans le monde 80 greffes d’utérus ayant donné naissance à 30 enfants. Reste que le CHU doit encore gravir les dernières marches qui lui permettront de devenir le deuxième établissement français à réaliser une telle opération, qui reste encore très rare, c’est pourquoi chaque nouvelle intervention participe à améliorer les connaissances et à faire évoluer les protocoles.