Greffe d'utérus : technique en France, conséquence, prix

La greffe d'utérus est une opération délicate qui n'est encore pratiquée qu'à titre expérimental, avant qu'elle ne soit peut-être généralisée en France. Comment ça se passe ? Quelles sont les conditions ? La loi ? Les dangers ? Réponses du Professeur Ayoubi, chef de service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction de l'hôpital Foch.

Photos : Virginie Bonnefon ; Shutterstock
Source : Journal des femmes

Définition : qu'est-ce qu'une greffe d'utérus ?

La greffe de l'utérus est une intervention chirurgicale qui consiste à greffer un utérus sain sur une femme qui n'en a pas, ou dont l'utérus n'est plus fonctionnel. "L'utérus en question peut venir d'une personne en état de mort cérébrale, mais peut aussi venir d'une donneuse vivante entre 40 et 65 ans, qui doit avoir eu au moins 2 grossesse et qui est apparentée à la patiente receveuse, soit familialement, soit amicalement. Ce don d'organe doit obligatoirement être bénévole, sans contrainte psychologique ni contrepartie financière" précise le Pr Ayoubi.

Quelles sont les indications ?

La greffe d'utérus est indiquée pour les femmes née sans utérus, ou dont l'utérus a été endommagé, n'est plus fonctionnel ou a été enlevé. Par exemple :

  • Les femmes atteintes d'un "syndrome de Rokitansky-Küster-Hauser qui touche une femme sur 4500, ce qui n'est pas rare. Ces femmes naissent sans utérus, avec des ovaires, une partie du vagin et un cycle hormonal normal : seul l'utérus manque pour qu'elles puissent avoir une grossesse" explique le Professeur,
  • Les femmes qui ont dû se faire retirer l'utérus après une hémorragie lors d'un accouchement,
  • Les femmes qui ont eu un cancer de l'utérus jeune,
  • Les femmes atteintes d'infections pelvienne sévères qui entrainent la destruction de l'endomètre ou rendent l'utérus non fonctionnel.

Absence d'utérus : le syndrome de Rokitansky

L'absence d'utérus, ou syndrome de Rokitansky, est une anomalie rare qui touche une petite fille sur 4500 et est souvent détectée à l'adolescence. Une fois le diagnostic posé, la patiente a le choix d'avoir recours ou non à un traitement, mais une prise en charge psychologique est souhaitable.

Peut-on faire une greffe d'utérus en France ?

La France a donc récemment rejoint les quelques pays qui ont réussi à pratiquer cette greffe utérine. La greffe de l'utérus est actuellement à un stade expérimental en France. Le service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction de l'hôpital Foch a mis en place un essai thérapeutique, avec un protocole de recherche sur 10 patientes. "A l'issue de cet essai qui devrait durer environ 5 ans, aura lieu une évaluation du protocole pour décider si cette greffe est bénéfique sans trop de risques ou non. Le but est donc de confirmer ou d'infirmer sa généralisation" explique le Professeur Ayoubi.

A partir de quel âge ?

L'essai thérapeutique actuel se limite aux femmes entre 20 et 38 ans.

Comment se déroule l'opération ?

Les techniques de greffes d'utérus ont considérablement évoluées depuis ces dernières années. "Nous avons commencé à travailler depuis 15 ans la greffe de l'utérus avec une vingtaine de chercheurs tous bénévoles. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le service du Professeur Brannstrom en Suède, qui a été le premier pays à réussir à obtenir une grossesse après greffe d'utérus" explique le Professeur. La chirurgie utilisée en Suède pour cette greffe a été développée en France à l'Hôpital Foch : c'est la technique mini-invasive à robot assistée. C'est aussi cette technique qui a été utilisée pour la première greffe réalisée à l'Hôpital Foch en 2019.

La greffe utérine est particulièrement compliquée et délicate, car il faut à la fois greffer les vaisseaux de l'utérus (artère et veine) aux vaisseaux de la patiente receveuse, mais il faut aussi greffer le col de l'utérus au vagin de la patiente. "Les particularités de l'utérus sont : d'une part que c'est un organe profond anatomiquement, et donc difficile d'accès, et d'autre part que les vaisseaux qui le nourrissent sont très fins, ce qui rend le branchement très complexe" détaille le Professeur Ayoubi. L'intervention chirurgicale varie entre 9h et 20 heures au total pour les deux interventions : celle de la donneuse et celle de la receveuse.

Convalescence

Les suites opératoires d'une greffe de l'utérus sont à peu près les mêmes qu'après une hystérectomie, à savoir une hospitalisation de plusieurs jours et une convalescence entre 6 et 8 semaines. "A cela s'ajoute un traitement immunosuppresseur afin d'éviter les rejets de greffe. Ce traitement nécessite un suivi rigoureux et régulier" ajoute le Professeur.

Ablation de l'utérus : quand faire une hystérectomie ?

L'hystérectomie consiste à ôter l'utérus en partie, ou en totalité, au cours d'une intervention chirurgicale. Avant de prendre cette décision, il est important de connaître les cas pour lesquels l'opération est requise et les différents types d'hystérectomie : totale, subtotale ou radicale. Explications avec le Dr Brigitte Letombe, gynécologue.

Quelles sont les conséquences d'une greffe d'utérus ?

Le seul but de la greffe utérine est de permettre à la patiente de tomber enceinte. Sans utérus, il n'y a pas de nidation possible, et l'embryon ne peut donc pas s'implanter. La condition sine qua non pour prétendre à l'opération, est donc d'avoir un projet de grossesse solide. "On vérifie donc que la patiente ait une réserve ovarienne pas trop entamée et que son conjoint n'a pas de problèmes de fertilité par exemple" explique le Professeur.

Quels sont les effets indésirables et les dangers d'une greffe de l'utérus ?

Nous bénéficions encore de très peu de recul sur cette opération chirurgicale, dont les dangers semblent, dans le cadre de cet essai clinique, équivalents à toute greffe. "Lors de la sélection de nos patientes, on fait en sorte de ne pas choisir celles qui ont des facteurs de risques. Les patientes sélectionnées sont donc celles qui ont les risques de complication les plus faibles" précise le Professeur Ayoubi.

Quelles sont les contre-indications ?

Actuellement, le protocole de recherche impose de très nombreux critères strictes de sélection, qui éliminent toutes les patientes qui présentent des facteurs de risques. Les quelques patientes qui seront choisies doivent par exemple :

  • Être non fumeuse,
  • Ne pas avoir d'infection virale au niveau du col,
  • Ne pas avoir subi d'opération de l'utérus,
  • Ne pas avoir subi de césarienne,
  • Ne pas avoir d'anomalie dans l'hémostase

"Ces nombreux critères de sélections font que sur les 250 couples donneuses/receveuses que nous avons rencontrés, nous n'avons sélectionné au final qu'une seule candidate à la greffe utérine" explique le Professeur Ayoubi.

Prix d'une greffe de l'utérus

Les greffes de l'utérus ne se font pour l'instant que dans le cadre d'un protocole de recherche, la patiente n'a donc rien à financer. "Ce protocole de recherche n'est pas financé par la sécurité sociale mais il est mis en place et financé par la fondation Foch. La vingtaine de chercheurs qui y ont participé l'ont fait à titre bénévole" précise le Professeur Ayoubi.

Merci au Professeur Ayoubi, chef de service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction de l'hôpital Foch qui a réalisé la première greffe en France.

Le professeur Jean Marc Ayoubi est celui qui a permis la première transplantation utérine française.

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