« J’étais trop contente de retourner à la clinique »… Après deux mois de fermeture, la reprise progressive des PMA

Vouloir devenir mère. Passer par une procréation médicalement assistée (PMA) et accepter l’attente, le stress, les rendez-vous, les piqûres, les prélèvements et autres examens qui jalonnent cette aventure.

Après plusieurs semaines d'interruption, les centres et cliniques de PMA reprennent progressivement leur activité. — LLUIS GENE / AFP
Après plusieurs semaines d'interruption, les centres et cliniques de PMA reprennent progressivement leur activité. — LLUIS GENE / AFP
Source : 20 Minutes

Vouloir devenir mère. Passer par une procréation médicalement assistée (PMA) et accepter l’attente, le stress, les rendez-vous, les piqûres, les prélèvements et autres examens qui jalonnent cette aventure. Parce que, sans conteste, la récompense vaut les efforts consentis. Et voir tout s’arrêter du jour au lendemain. Entre autres effets collatéraux, la crise du Covid-19 a mis à l’arrêt tous les projets de PMA en cours.

La pandémie a entraîné en France la mise entre parenthèses de toutes les procédures médicales considérées comme non-urgentes, et les centres de PMA ont ainsi fermé leurs portes. Tout comme la plupart des cliniques de PMA en Europe, de toute façon inaccessibles du fait de la fermeture des frontières. Alors que le déconfinement et le reflux de l’épidémie permettent une reprise progressive des PMA, nombre de femmes redoutent de devoir attendre plus longtemps avant de pouvoir reprendre leur projet de maternité.

« La gynéco m’a appelée pour me dire que tout était arrêté »

« Traitements, stimulations ovariennes, transferts d’embryons : on a dû tout arrêter quand le confinement a été annoncé et prévenir chacune de nos patientes », indique le Pr Jean-Marc Ayoubi, chef du service de gynécologie obstétrique et du centre de PMA de l'hôpital Foch à Suresnes (Hauts-de-Seine). « C’était le soir où le président Macron en a fait l’annonce, se souvient Marie*, 34 ans, suivie en France pour son parcours de PMA entamé il y a près d’un an avec son compagnon. La gynéco m’a appelée pour me dire que tout était arrêté. Et m’a déconseillée de commencer un cycle de stimulation ovarienne pour préparer l’insémination, puisqu’on n’avait aucune visibilité sur le calendrier ».

Même scénario en Espagne, « durement touchée par l’épidémie. Nous avons appelé nos patientes pour leur dire que l’on interrompait tous les traitements en cours », indique le Dr Clara Colomé, directrice médicale adjointe de la Clinique Eugin à Barcelone, où sont suivies de nombreuses patientes françaises. Cet appel, Noémie Trillaud, bientôt 40 ans, l’a reçu. Pour la jeune femme, qui mène depuis deux ans ce projet en solo en Espagne et attend un double don de gamètes, « le confinement n’aurait pas pu tomber à un plus mauvais moment. Une donneuse d’ovocyte avait été trouvée, et dans la foulée, le transfert d’embryons devait être programmé. Mais tout s’est arrêté, sans aucune idée de quand cela pourrait reprendre. Un moment psychologiquement très difficile ».

Un stress supplémentaire pour les patientes

Quand on se lance dans une PMA, « le facteur temps est déterminant », reconnaît le Dr Colomé. « A chaque cycle, quand mes règles arrivent, je me dis que c’est un mois de perdu, confie Marie. Et là, on m’annonce que tout s’arrête : on m’empêche de faire un bébé, mon mariage en avril est annulé, et je dois me confiner ! C’était trop d’un coup à encaisser ».

Le premier mois, Noémie a « relativisé. Ce qui comptait c’est que mes proches soient en bonne santé. Puis j’ai compris que ça allait durer, qu’on devrait vivre avec ce virus. Quand les cliniques espagnoles ont rouvert fin avril, j’étais impatiente, mais c’était impossible tant que les frontières n’étaient pas rouvertes. Un parcours de PMA, c’est déjà long et douloureux, mais là, au stress inhérent à la PMA est venu s’ajouter le stress du confinement, de l’épidémie et de l’incertitude sur la date de reprise. J’ai contacté des associations de patientes en PMA, mais il n’y avait pas d’infos, aucune communication ». Alors Noémie a lancé en mai une pétition sur Change.org pour interpeller le ministre de la santé Olivier Véran, « pour que les Françaises puissent poursuivre leur PMA en Europe durant la pandémie Covid-19 ». « La pétition nous a apporté le soutien de quelques parlementaires, mais aucun retour du ministre. J’ai discuté avec d’autres femmes dans ma situation, et toutes se sont senties aussi démunies que moi. Avec le projet de loi de PMA pour toutes sans cesse reporté, nous qui devons faire notre PMA à l’étranger avons vraiment le sentiment d’être des patientes de seconde zone ».

Maintenir le contact

C’est vrai, « un parcours de PMA est déjà stressant et incertain, confirme le Pr Ayoubi. Et cette crise sanitaire a généré un stress supplémentaire. C’est pourquoi il était primordial de maintenir le contact avec nos patientes. Peu après le début du confinement, nous les avons toutes recontactées et avons mis en place un système de téléconsultation, pour ne pas qu’elles se sentent abandonnées, qu’elles gardent espoir et soient assurées d’être prises en charge en priorité à la réouverture ».

Un soutien important pour Marie, qui a pu compter sur l’écoute de sa gynécologue. « Quand j’ai eu mes règles en avril, avec le coup de blues qui vient chaque mois avec, j’ai eu besoin d’en savoir plus et je lui ai envoyé plusieurs mails. A chaque fois, j’ai eu un retour en moins de cinq minutes, raconte la jeune femme. Même si au début, elle n’avait aucune visibilité, avoir un médecin très humain à mon écoute m’a réconfortée. Elle m’a bien expliqué que ce report des procédures avait aussi vocation à ne pas créer de nouvelles situations à risques pour les patientes, et ça m’a aidée à faire preuve de patience. Finalement, je ne me serais pas vue tomber enceinte durant le confinement ».

Idem pour Noémie : « J’étais régulièrement en contact avec la clinique, et malgré le flou, le personnel était aux petits soins ». Il faut dire qu’en Espagne, « nous sommes habitués à travailler avec nos patientes de l’étranger, le suivi à distance est déjà naturel », indique le Dr Colomé.

Une reprise progressive et des règles sanitaires strictes

Pour l’heure, seuls « les dons de gamètes – ovocytes et spermatozoïdes – ne peuvent pas encore être réalisés », indique l’Agence de biomédecine, qui a chargé les agences régionales de santé (ARS) « d’autoriser ou non la reprise des activités médicales selon les conditions locales de circulation du virus ». Ainsi, « dès qu’on a eu le feu vert de l’ARS, les PMA ont repris, explique le Pr Jean-Marc Ayoubi, avec un protocole sanitaire très strict. Nous nous assurons que les patientes ne présentent aucun symptôme du coronavirus. Nous privilégions au maximum la téléconsultation ». Des mesures qui permettent une reprise à 50 %, « en privilégiant le recours aux anesthésies locales plutôt que générales, pour limiter la présence de personnel, les temps d’intervention et l’utilisation de produits anesthésiants en tension ». Avec une capacité mensuelle normale de 150 patientes, le service du Pr Ayoubi ne peut aujourd’hui « prendre en charge que 75 patientes, alors que nous en avons environ 230 dont la PMA a été suspendue, détaille le médecin. Nous allons essayer de purger cette activité sur la période estivale, en raccourcissant les prochains congés ».

A la clinique Eugin de Barcelone, « certaines patientes françaises ont pu revenir dès mai. Nous leur avons fourni des attestations justifiant de leur déplacement impérieux pour raison médicale », explique le Dr Colomé. Là-bas, le protocole de protection sanitaire est strictement respecté : « outre le port du masque et les mesures de distanciation physique, nous procédons à des prises de température et demandons aux patientes de réaliser au préalable un test de dépistage par PCR ». Et pas d’attente supplémentaire à déplorer, « nos locaux sont très grands et organisés pour absorber rapidement ces semaines de fermeture ». Toutefois, pour les patientes ayant « des facteurs de risques face au Covid-19, tels que surpoids, diabète ou hypertension, nous leur recommandons de patienter », souligne le Dr Colomé. Un report également préconisé en France par l’Agence de Biomédecine pour ces patientes à risque.

« Pas stressée par rapport au Covid-19 »

Comme à chaque nouveau cycle, Marie a contacté sa gynécologue mi-mai. « La clinique venait de rouvrir et prévoyait une reprise des PMA début juin, raconte la jeune femme. J’étais l’une des premières à appeler, et l’une des premières à obtenir un rendez-vous. J’ai rempli un questionnaire Covid, pour assurer que je n’avais ni symptômes ni cas contact autour de moi ». Et la reprise de son parcours de PMA s’est faite sans penser au coronavirus. « J’étais trop contente de retourner à la clinique et pas stressée par rapport au Covid-19. J’ai repassé une bonne partie des examens médicaux préalables – les résultats doivent avoir moins de 3 mois pour certains – et j’ai pu démarrer ma stimulation ovarienne quelques jours plus tard. Puis mon ovulation a été déclenchée, et mon insémination a eu lieu il y a quelques jours », confie Marie, pour qui on croise les doigts.

Après de longues semaines d’incertitude, Noémie commence aussi à voir la lumière au bout du tunnel. Et « espère un prochain essai début juillet. Enfin, s’il n’y a pas de deuxième vague ! Car il y a encore beaucoup d’incertitudes pour toutes celles qui, comme moi, font leur PMA en Europe. Les frontières seront-elles bien rouvertes ? Trouverai-je un billet d’avion pour l’Espagne à la dernière minute ? En revanche, pour les femmes qui comptaient commencer un parcours de PMA au moment du confinement, l’attente risque d’être plus longue », redoute Noémie.

Une attente difficile aussi pour les femmes suivies en France et qui auront soufflé leur quarante-troisième bougie – âge limite de prise en charge de la PMA par l’Assurance maladie – durant le confinement. Mercredi soir, Olivier Véran a annoncé le remboursement par la Sécurité sociale aux femmes qui auraient dépassé l’âge limite de prise en charge en raison de l’arrêt de leur parcours pendant le confinement. « Je ne vois pas comment nous ne pourrions pas faire un geste envers ces familles et rembourser la prise en charge de PMA dans la mesure où elle serait différée de quelques semaines ou même de quelques mois si nécessaire », a-t-il déclaré au cours d’une audition par la commission des Affaires sociales du Sénat.

Concernant les familles engagées dans un parcours de PMA à l’étranger, « je n’ai pas de solution, hélas, à proposer », a ajouté le ministre, puisqu'« on n’est pas dans une situation légale à l’heure où je vous parle », « tant que nous n’avons pas voté la loi de bioéthique, raison pour laquelle il faut voter la loi bioéthique ».

* Le prénom a été changé.

Le professeur Jean Marc Ayoubi est celui qui a permis la première transplantation utérine française.

Recevez les mises à jour et actualités des travaux et recherches.